Restrictions d'eau : comment les villes font face ?

Restrictions d'eau : comment les villes font face ?
En 2018, la revue anglaise Nature publiait les résultats d'une étude sur l'évolution de la consommation en eau des villes du monde. Il en ressort que celle-ci est susceptible d'augmenter de 80% d’ici 2050. En cause : la démographie croissante et les épisodes de plus en plus fréquents de sécheresse. De quoi inciter les villes à s'interroger dès à présent afin d'anticiper un phénomène en passe de devenir pérenne et problématique : l'épuisement de la ressource en « or bleu ». En France, l'alerte a été lancée mi-mars par le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM). Dans un communiqué de presse, le service géologique national dresse en effet un état des lieux des nappes d'eau souterraines au 1er mars 2023. Et le résultat est pour le moins inquiétant puisque « Les nappes phréatiques restent sous les normales avec 80% des niveaux modérément bas à très bas ». La raison de ce déficit en eaux de pluie dans les nappes phréatiques est en partie liée à la sècheresse de 2022, que la pluviométrie de l'automne dernier n'a pas réussi à compenser. La situation en soi n'a rien de totalement inédit toutefois puisque, comme le soulignait Violaine Bault, hydrogéologue du BRGM, lors d'une conférence de presse, nous avons « déjà connu une situation avec beaucoup plus de points rouges » à la même période en 2012 et en 2017. Cependant, ajoute-t-elle, « ce qui est inédit c’est que toute la France est touchée ». Et au-delà de cette généralisation d'une sécheresse amorcée, certaines zones sont déjà en alerte, à l'image du Limousin, des Causses, du couloir Rhodanien ou encore de la plaine du Roussillon. Alors, dans ce contexte, les villes françaises s'organisent pour faire face et anticiper d'éventuels déficits en eau dans les mois et années à venir.

Vers une responsabilisation individuelle et collective

Le Plan eau, tout juste dévoilé il y a quelques semaines par Emmanuel Macron, propose 53 propositions destinées à protéger la ressource en eau dans l'hexagone et améliorer sa gestion d'ici 2030. Car les villes et les collectivités n'ont aujourd'hui plus d'autre choix que d'agir et d'encourager les pratiques vertueuses. Si le Plan eau prévoit une généralisation de la tarification progressive de l'eau dans les années à venir, certaines communes n'ont pas attendu et l'ont déjà mise en pratique depuis quelque temps déjà. C'est le cas par exemple de Rennes ou Dunkerque, où cette mesure est expérimentée depuis respectivement 2016 et 2012. Le principe ? Plus les usagers consomment, plus le tarif augmente. Objectif : responsabiliser chacun sur sa consommation et, à terme, engager une réduction significative de celle-ci.

 

D'autres communes ont quant à elle déjà frôlé le redouté et redoutable “day zero”, ce seuil extrêmement critique où le niveau des réserves en eau d'un territoire est quasiment nul. En 2006, la région des Deux-Sèvres et plus exactement l’agglomération niortaise a eu chaud, très chaud même, alors que ses réserves étaient à leur niveau le plus bas. Une situation inédite ayant nécessité des mesures exceptionnelles de restriction de distribution de l’eau.

 

Les pouvoirs publics jouent un rôle majeur en impulsant des pratiques vertueuses et respectueuses de la ressource en eau au sein des territoires. Et en invitant la population à faire de même afin de tendre vers une utilisation raisonnée de la ressource en « or bleu ». Dans les Pyrénées-Orientales, département placé en « état d'alerte renforce » par le BRGM, le préfet a mis en place des mesures de restriction, en vigueur jusqu'à la fin avril dans un premier temps. Les particuliers ont ainsi l'interdiction d'arroser leurs pelouses, de remplir leurs piscines et de laver leurs véhicules chez eux. Quant aux collectivités locales, elles sont également concernées par l'interdiction d'arrosage, des espaces verts et des stades. Le nettoyage de la voirie et des terrasses à renfort d'eau est lui aussi prohibé jusqu'à la levée de l'arrêté préfectoral. 

Les défis urbains de demain

Il est vrai qu'avec ses nombreux fleuves et rivières, la France pourrait se sentir privilégiée et protégée de pénuries durables en eau. Reste qu'en dépit des apparences, le déficit hydrique s'étend sur environ un tiers du territoire national, avec un point de vigilance majeur dans la région du Sud-Ouest. Le réchauffement climatique n'est évidemment pas étranger à la situation : l'augmentation des températures génère en effet une hausse de l'humidité dans l’air... à défaut de réserves dans la terre.

 

Pour faire face, Nice a choisi de faire la chasse aux fuites et aux pertes, afin de limiter au maximum le gaspillage d'eau. Plutôt que de rénover l'ensemble des réseaux, chantier aussi titanesque qu'interminable, l'attention est portée sur la détection et la réparation des endroits générant des déperditions d'eau. Pour ce qui est des « pertes » impactant lourdement la consommation d'eau, la métropole Nice Côte d'Azur envisage l'installation de réducteurs de pression automatiques intelligents destinés à réduire le débit la nuit, là où les besoins sont moindres.

Au-delà des initiatives et des actions visant à réduire l'usage de l'eau, les villes ont la possibilité d'agir en prenant en compte l'aménagement de leurs territoires. La ville de demain doit désormais être pensée en conjuguant bien-être des habitants et préservation des réserves d'eau. Ces défis, à la fois écologiques, économiques et humains, relèvent plus que jamais d'une urgence indiscutable.

 

Près de Toulouse, Blagnac a choisi de miser sur la création d'un écoquartier, Andromède, à savoir un quartier conjuguant logements, services, commerces et hautes exigences environnementales. Près d'un tiers de ce site, soit 70 hectares, est à ce titre dédié aux espaces verts, avec environ 12 000 arbres plantés. Cette initiative verte vise à contenir l'eau dans le sol et préserver ainsi la désormais si précieuse nappe phréatique.

 

Au regard du contexte climatique global actuel, il va de soi que les mesures réglementaires vont de pair avec une prise de conscience de la population. Cela implique par conséquent une responsabilisation dans les actes du quotidien, mais également une remise en question de nos modes de vie et de consommation.

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