Majorque inspire la France : vers un barème anti-incivilités en ville

Majorque inspire la France : vers un barème anti-incivilités en ville
Majorque accueille près de 19 millions de visiteurs chaque année, générant plus de 22 milliards d’euros de recettes touristiques. Pourtant, derrière ce succès économique se cachent des tensions grandissantes : plages saturées, hausses des loyers, pression sur les ressources en eau et comportements irrespectueux envers les habitants. En réponse, la municipalité de Palma a mis en place un système de sanctions allant jusqu’à 3 000 €, accompagné de mesures de surveillance pour réguler le tourisme. Ce modèle de gestion agressive du tourisme pourrait-il inspirer les villes françaises confrontées à des incivilités urbaines ?

Une grille d’amendes graduée pour responsabiliser

À Palma, chaque infraction est associée à un montant clair : les actes considérés comme mineurs — uriner en public, consommer de l’alcool dans la rue, se promener torse nu en centre-ville ou utiliser des haut-parleurs sur la plage — sont sanctionnés par une amende allant jusqu’à 750 €. Les infractions plus graves — baignade non autorisée, sauts depuis les balcons (balconing), dépôt de déchets ou camping sauvage — peuvent entraîner une amende allant jusqu’à 1 500 €. Les délits les plus sérieux — beuveries dangereuses en groupe, harcèlement ou actes discriminatoires — sont punis par des amendes pouvant atteindre 3 000 €. Cette architecture graduée vise à responsabiliser le touriste en fixant un tarif clair en fonction de la gravité des comportements. Chaque palier correspond à un niveau de comportement, explicitant la valeur symbolique et économique du respect de l’environnement urbain.

Surveillance active et application concrète

Pour que ces amendes aient un impact réel, Palma a mis en place un dispositif de surveillance puissant. Caméras installées le long de la promenade maritime, drones effectuant des rondes aériennes, patrouilles renforcées les soirs et week-ends dans les quartiers festifs comme Magaluf… tous ces moyens permettent de verbaliser immédiatement les contrevenants. Une attention particulière est portée aux véhicules de location, aux groupes nombreux ou aux comportements bruyants. Dans certains cas, les infractions sont transmises aux ambassades des contrevenants étrangers, afin d’augmenter l’effet dissuasif au niveau international. Cette surveillance active transforme la politique municipale en un outil visible de paix sociale.

Résultats visibles et tensions entre acteurs locaux

Des retours directs de riverains témoignent d’une amélioration sensible de la qualité de vie, notamment en soirée et durant les week-ends. Un mouvement citoyen affirmant que « Majorque n’est pas à vendre » a émergé, saluant le retour au calme. Toutefois, l’impact sur l’économie festive n’est pas négligeable : à Magaluf, lieu emblématique des nuits arrosées, l’instauration d’une zone anti-alcool a entraîné une baisse notable de la fréquentation. Certains commerçants s’inquiètent de la pérennité de leur activité, soulignant une tension entre maintien de l’activité touristique et garantie d’un cadre de vie apaisé.

Un virage vers un tourisme durable et équilibré

Palma ne se limite pas à la répression. L’île a instauré une surtaxe pour les véhicules de location selon leur niveau de pollution, a créé une zone à faibles émissions dans le centre historique et augmenté progressivement la taxe de séjour en fonction de la saison et de l’hébergement. Les recettes issues de la taxe touristique ont servi à financer des projets de gestion de l’eau, de préservation de la biodiversité et de sauvegarde du patrimoine historique, mobilisant plusieurs centaines de millions d'euros. Parallèlement, Majorque développe l’agrotourisme, les circuits culturels dans les zones de montagne classées, et encourage les séjours hors saison afin de réduire la pression estivale. Cette stratégie vise à garantir une fréquentation plus qualitative, plus respectueuse, et à préserver tant la qualité de vie des habitants que l’attractivité touristique.